Une citation

"He already missed the innate gentleness that she tried to hide. Though she had been jaded in the past few years, it was still there lurking in her eyes, in her smile, and in the tender she touched him with awe, as if she had never considered that what they found together might exist." The Duchess Takes a Husband - Harper St. George

samedi 7 mars 2015

Frederica de Georgette Heyer


1ère édition : 1965
Résumé éditeur (Traduction everalice) : Frederica Merriville et ses trois frères et soeurs se rendent à Londres pour assister à la somptueuse Saison, afin de permettre à la belle et jeune Charis Merriville de faire un beau mariage. Frederica, pour sa part, charmante et pleine d'esprit, se juge fort heureusement bien éloignée de l'état de jeune fille à marier (elle a 24 ans, après tout). Mais lorsqu'elles sont introduites dans la haute société londonienne par leur "cousin" éloigné Lord Alverstoke, Frederica est stupéfaite de tomber amoureuse, de manière tout à fait inconsciente. De son côté, le glacial et aristocratique Alverstoke, est complètement captivé par Frederica et ses deux  jeunes coquins de frères.  
Si on lisait les romances dans l'ordre dans lequel elles ont été éditées, Georgette Heyer serait, à coup sûr, la grande précurseur du genre historique et plus précisément, le terreau dans lequel ont pris racine la plupart des intrigues régence inventées depuis lors.
Comme de nombreuses lectrices de cette auteur, je la découvre, peu à peu, après avoir lu mon comptant d'histoires d'amour peuplés d'aristocrates anglais du début du 19ème siècle. Tout ça pour dire que l'histoire, résumée par l'éditeur, ne semble pas plus originale que cela : un marquis anglais, au passé déjà bien empli, blasé, froid, égoïste et indifférent, tombe amoureux d'une jeune femme peu conventionnelle dont le naturel et la fraîcheur dénotent dans un univers corseté de bêtise et d'hypocrisie.
Une intrigue rebattue, certes... Mais inventée et mise en scène avec un si rare talent qu'il en fait une histoire ensorcelante à la modernité détonante.
D'abord, la langue et le rythme brillent par leur finesse. Tout tombe sous le sens, tout sonne juste, avec un sens du timing et de la nature humaine imparable.
Lord Alverstoke, cet aristocrate puissant qui ne s'est jamais rien refusé, méprisant, à l'esprit et à l’intelligence diaboliquement affûtés, tombe, sans même s'en rendre compte, sous le charme de Frederica, alors que l'auteur joue habilement du regard que les protagonistes portent sur lui pour faire comprendre cet état des choses à ses lectrices. Et alors, c'est du grand art ! Sans oublier les glissement progressifs du langage et des pensées du héros vers sa prise de conscience, étonnée, mesurée, acceptée, puis exprimée avec une force passionnée d'autant plus émouvante qu'elle ne se traduit pas, ou si peu, par les scènes d'amour auxquelles les romances contemporaines nous ont habituées. 
Ensuite, une très large place est accordée aux personnages secondaires.
La famille Merriville mérite à elle-seule le détour, tant elle est importante dans l'évolution des sentiments des héros. On a Charis, la beauté surnaturelle de la famille, au cœur tendre et à l'esprit un peu vacant, si candidement lente ; Harry, le frère aîné démissionnaire, sûr de son bon droit et prompt à se défausser de ses responsabilités sur sa soeur ; Jamessy, le frère aux idéaux spirituels qui laissent parfois place aux doutes et à la colère ; ou bien encore l'irrésistible Felix, le petit frère aventureux prêt à tout pour assouvir sa passion pour les dernière inventions techniques, les deux derniers étant secondés dans leurs aventures par l'innénarable chien Luffra, dit Luff, dont les péripéties ou les attitudes prêtent à rire tout au long de l'histoire.
Sans les énumérer tous, tant ils sont nombreux et consistants, les seconds rôles abondent tout au long du roman, remarquables de présence et de consistance : Charles Trevor, le secrétaire, Endymion, le magnifique héritier de Lord Alverstoke, à la tête vide et au langage pratiquement monosyllabique, les trois pimbêches qui se font la nique autour du puissant marquis, c'est-à-dire ses deux sœurs et sa tante,,... Le petit monde de Georgette Heyer se décline autour de fantastiques portraits de personnages hauts en couleur et tous aussi imparfaits les uns que les autres.
Et les héros parmi eux. Mais si Vernon et Fredrica ne sont pas exempts de défauts, loin s'en faut, leur association, riche de complicité et d'humour, va leur permettre, en découvrant l'amour, de devenir meilleurs tout en restant, profondément, eux-mêmes.
Tous ces personnages sont complexes et présentent de si multiples facettes qu'ils nous semblent extrêmement proches et familiers, au point d'avoir du mal à lâcher le livre et de le fermer à regret.
Lord Alverstoke, cynique, dur et déplaisant au début de l'histoire, est peu à peu séduit par la franchise et la gaiété naturelle de Frederica et de ses frères, par leur audace, et leur volonté d'avancer. Elle le provoque gentiment, en mettant le doigt sur ses travers, à sa manière irrévérencieuse et charmante. Les échanges entre les héros vibrent. Tout simplement. Chaque rebond est délectable. Tous deux se délectent de tourner en ridicule la bêtise, les conventions crasses, les afféteries, à travers de multiples dialogues truffés de double sens et d'ironie, les yeux brillants d'humour et le sourire au bord des lèvres. Ils se provoquent et se reconnaissent pour ce qu'ils sont, des esprits rebelles, se délectant très vite de leur évidente complicité. 
Bizarrement, en l'absence de toute scène sensuelle, c'est cette suggestivité qui donne à certaines scènes et à certains dialogues une dimension presque érotique.
He glanced down at her, half-smiling, but with an oddly arrested expression in his face. She was puzzled by it, but after a moment, she said quizzically : "Are you wondering wether you can bamboozle me into believing that you won't entrust you team to Mr Trevor?"
"No," he replied slowly, "though it would be true ! I was thinking how well that bonnet becomes you."
Au fil de ma lecture, j'ai ainsi pris en note tout un florilège de citations, toutes aussi démoniaques les unes que les autres, car elles m'ont inévitablement donné envie de poursuivre ma relecture. 
Et puis, comment ne pas penser à Slightly Dangerous de Mary Balogh, à son Wulfric et à sa Christine? L'aristocrate puissant, suintant de virilité et d'arrogance toute masculines, face à la verve malicieuse et fraîche d'une jeune femme peu consciente de ses charmes? Sans oublier l'usage percutant du monocle et la verdeur acide de répliques mordantes, destinées à maintenir la distance entre le héros et ses pairs?
Virtuosité et esprit, élégance et vérité, voilà pour moi les vertus cardinales de ce roman qui s'inscrit, véritable cerise sur le gâteau, dans un contexte historique bien éloigné du léger glaçage dont nous abreuvent la plupart des historiques actuels. L'intrigue est baignée dans les contingences de l'époque évoquée, la mode, les attitudes, les progrès technique, surtout, y tiennent une place prépondérante. Plus qu'une romance, j'ai découvert un vrai roman, une vraie écriture et de vraies qualités littéraires aussi modernes que n'importe quel roman classique anglais.
Et j'ai mieux compris, à cette lecture, toute l'influence qu'avait pu avoir Georgette Heyer sur Mary Balogh. Ou sur Loretta Chase, à cause de cette légère et omniprésente insolence dont je me suis délectée jusqu'à la fin.
Un roman à lire pour les amoureuses de belles et spirituelles histoires d'amour. Un roman à lire et à relire. Un incontournable, pour ma part !
, 5 / 5

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