Quand je lis un roman de Georgette Heyer je garde toujours à l'esprit le fait qu'elle a tout inventé dans la romance régence. Toutes les situations dites convenues aujourd'hui, les libertins, les jumeaux, les laissées-pour-compte, les vieilles dragonnes de l'aristocraties, les jeunes loups, les évaporées, les attaques de brigands, les courses de chevaux, les bals, bref, tout ce qui sert encore de nos jours à dresser des intrigues historiques est apparu, pratiquement à coup sûr, pour la première fois, dans un de ses nombreux romans.
Rien qu'à ce titre, j'adore partir à la découverte de cette auteur si prolixe, et rien qu'à ce titre, je suis sûre de passer un excellent moment de lecture en sa compagnie.
Je m'aperçois, à la lecture de celui-ci, que l'intrigue en tant que telle n'a pas grand mérite. Ce qui retient mon attention, ce qui me séduit totalement, ce sont bien l'écriture, les personnages et l'esprit.
Soit, c'est une traduction. Sans doute pourrait-on déplorer quelques lourdeurs. Mais que cette langue est piquante ! Moins drôle que d'autres titres, ce roman-ci déploie pourtant l'élégante ironie de l'auteur, qui manie divinement les piques sucrées-salées et les portraits insidieusement vitriolés de la haute société.
La mère affolante, un brin manipulatrice, sentimentale et adorable, sans pour autant susciter l’écœurement, la grand-mère qui crache le feu et éclate de rire dans le secret de sa chambre, le vieux beau hédoniste tout gonflé de gourmandise, confit de confort, et honnête homme au charme un rien inattendu, le jeune gandin adolescent, gommeux fils-à-maman paresseux et noceur en devenir, le valet autoritaire, pro du dandysme, associé au cocher bourru qui n'a pas l'habitude des ronds de jambe, la vieille nourrice qui apporte son verre de lait chaud à Evelyn, et puis les deux frères jumeaux affectueux, joueurs, aux yeux espiègles et rieurs, et l'héroïne moderne et vive, attentive à ceux qu'elle aime et prompte à saisir les sous-entendus...
La galerie de personnages, comme souvent chez Heyer, fait penser au théâtre de boulevard du début du 20ème siècle, avec des arrivées, des sorties, des disparitions et des retrouvailles, des retournements, et ces dialogues incroyablement vivants, plus quelques chastes baisers. Bref, me voilà de nouveau conquise.
La Régence mâtinée de Feydeau, tout un programme ! Je ne m'en lasse pas.
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