Lu en VO.
Voilà un historique qui sort de l'ordinaire et se laisse lire avec plaisir.
Le contexte d'abord m'a beaucoup plu.
Nous sommes en 1893, au Maroc pour toute la durée du roman, sauf quelques dizaines de pages finales, et le dépaysement est assuré : Shaheen ("faucon"), cet aristocrate anglais blessé par son passé, vit totalement intégré dans une tribu d'Amagizh dont il a la charge en tant que Sheik. Autant dire que bon nombre de chapitres se dérouleront à l'intérieur de la tribu berbère, dont la vie est évoquée en toute discrétion et sans appesantissement particulier. Le mont Atlas, dans le lointain, à différentes heures du jour et de la nuit, la chaleur, les repas, les vêtements, les pans de la tente qui se lèvent au gré des souffles d'air, les magnifiques chevaux au caractère ombrageux et tenace, ou les quelques mots berbères qui émaillent le récit en imprègnent l'histoire avec légèreté et pas mal d'élégance. Monica Burns évoque aussi, comme une partie intégrante de son intrigue, les dissensions violentes et récurrentes dont les tribus berbères sont coutumières en cette période de colonisation par les français et les espagnols.
Ce qui est étonnant, c'est que cette vie simple et complexe à la fois, Allegra se l'approprie avec souplesse, comme si de tout temps elle lui était destinée.
Car tout dans cette histoire tourne autour du destin, kismet, avec la réunion de ces deux êtres farouches, têtus, volontaires et méfiants. Les deux héros ont des personnalités très marquées, tous deux ont vécu une vie jalonnée de difficultés, d'erreurs, de compromis et de mensonges. Mais leur rencontre était inscrite dans les lignes de l'avenir, et le tatouage au henné sur la main de la femme de feu, Allegra, en témoignera jusqu'à la fin.
L'histoire d'amour tient ici la première place et l'évolution de leur relation, très tumultueuse et empreinte d'une vive attraction sensuelle, est pleine de fougue et de retournements. Allegra sait faire preuve d'une détermination sans faille lorsqu'il s'agit de combattre pour sa chère indépendance durement acquise. A la fin de ce 19ème siècle encore empreint de toute le rigueur victorienne, elle a su se créer une place, controversée, certes, mais qui lui a permis de mener sa vie à sa guise, et surtout, d'en tenir fermement les rênes. Lorsqu'elle rencontre Shaheen, ils ne se comprennent pas, se méjugent et se repoussent tout en se séduisant. Durant des mois, leurs sentiments n'auront que peu de marge de manœuvre tant tous deux sont convaincus de ne pas devoir aimer. Autant dire que les scènes qui les rapprochent ou qui les opposent sont éruptives et passionnées. Shaheen est un personnage masculin autoritaire et très arrogant, avec un côté froid et abrupt, pendant la majeure partie de l'histoire, ce qui rend d'autant plus belle la scène durant laquelle il laisse parler son cœur et couler ses larmes.
Allegra, elle, l'amazone au courage infini, gagne en profondeur tout au long de l'histoire. On se rend peu à peu compte de ce que sa vie lui a coûté d'abnégation et de négation d'elle-même, et certaines scènes finales m'ont vraiment touchée, tant elle reste digne dans les épreuves qu'elle traversera encore pour gagner l'amour de Shaheen.
Les scènes d'amour, pas si nombreuses que cela, sont toutefois plus détaillées que dans les A&P "standarts", ce qui justifie son édition dans cette collection, d'autant qu'Allegra, experte dans l'art d'éveiller et de satisfaire le désir des hommes, en joue avec maestria.
Voilà donc une parution que je me ferai certainement un plaisir de redécouvrir en français.
Denses, avec une vie intérieure passionnée et complexe, ses héros ne pourront pas laisser indifférents, surtout dans un cadre aussi peu convenu que ce magnifique désert berbère aux confins du Maroc.
En attendant, je me réjouis de découvrir les autres romans de cette auteur en VO.
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