Je sors de cette lecture avec un sentiment mitigé. Un peu inconfortable : l'ai-je aimé? L'ai-je détesté? S'il ne m'a pas entièrement convaincue, il a su pourtant retenir mon attention par de nombreux aspects, mais pas forcément ceux que l'on aurait pu attendre d'une romance, malheureusement.
En 1848, Clare est fille de vicomte, jeune, gâtée, et mariable. Elle s'est d'ailleurs fort bien placée sur la scène des mondanités londoniennes, puisqu'elle est en passe, au début du roman, d'épouser l'héritier d'un duché, un certain M. Alban. Sa deuxième saison la verra triompher, elle en est bien certaine. Mais c'est sans compter sur la malchance...
Au cours d'une scène un rien ridicule, elle se foule la cheville. Et la voilà immobilisée, à ronger son frein, ses inquiétudes, et surtout sa rancœur envers le docteur Daniel Merial, l'homme providentiel qui l'a tirée de ce mauvais pas... et qui se retrouve de ce fait médecin attitré de la jeune fille pour la durée de ses soins.
Daniel, le héros, est un véritable homme du peuple. Membre d'un hôpital très respecté, il se consacre corps et âme à ses recherches sur les vertus anesthésiantes du chloroforme. Doté d'une clientèle clairsemée, il tire le diable par la queue. Pour lui, pas d'espérances d'héritage impromptu. Il ne peut réussir que par les fruits de son travail et de son opiniâtreté.
Les partis pris de l'auteur m'ont beaucoup plu : une héroïne de très bonne famille, opposée à un héros socialement très inférieur, dont la façon de vivre et les revenus sont aux antipodes. Un contexte historique, nous sommes en 1848, riche et bien amené, avec les premiers remous sociaux liés au droit de vote et aux désirs des classes ouvrières et populaires de vivre mieux, face aux privilèges des nantis de la haute société.
Les grands rêves de Clare semblent presque anachroniques au début de l'histoire : sa seule ambition est de faire un beau mariage, grâce à sa faculté de se fondre dans la masse et de hurler avec les loups les plus conventionnels. Elle se montre d'ailleurs très hautaine, méprisante et insultante envers Daniel pendant un long moment, ce qui ne la rend guère sympathique. On la juge, et c'est le but, superficielle, bien que déterminée à "réussir", mais aussi un peu creuse, même s'il est clamé qu'elle lit le Times tous les matins.
Daniel, l'homme du peuple devenu docteur, est un vrai chevalier : beau comme un dieu grec, valeureux, courageux et honnête... Bizarrement, cette parfaite recette du parfait héros n'a pas pris : il m'est resté très étranger. Peut-être parce que je n'ai pas vraiment ressenti l'alchimie entre les deux héros. Oui, il tombe sous son charme très vite, il la trouve belle, et désirable. Mais il m'a manqué un je ne sais quoi, de la complicité, de la sympathie, de la tendresse, des liens que j'ai un peu de mal à définir.
Les personnages secondaires tiennent plutôt bien leur rôle : les parents de Clare, qui avancent malgré leurs blessures, les frère et sœurs, à l'excentricité un peu forcée, qui se veut savoureuse... Ah, là, j'ai aussi eu du mal avec la verdeur de leur langage, qui m'a paru bien trop prononcée, ainsi qu'avec la teneur de leurs préoccupations, le tout trop détonnant dans le milieu de l'aristocratie anglaise, m'a-t-il semblé. On a aussi les deux fausses amies de Clare, mais encore une fois, l'auteur a pris le parti de les peindre sans nuance. Ou la vieille lady malade, pour le coup pas assez développée.
Si le développement de l'histoire se laisse honnêtement lire, la fin, catapultée, m'a un peu bousculée. Quoi? M. Alban??? Hein??
Et la bonne fortune échue à Daniel m'a aussi un peu déçue... J'aurais aimé que l'auteur aille plus loin dans son défi et laisse le docteur tel qu'en lui-même, trouver les ressources de son futur dans ses propres capacités (même si en l’occurrence, ses capacités se sont trouvées récompensées).
Pour terminer, je dirais que cette lecture en demi-teinte m'a assez intriguée pour que je lise la suite, où je retrouverai Lucy, la jeune sœur, et Geoffrey, le jeune frère de Clare. Que deviendront ces deux feux follets?
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