Quant à Tessa, quelle héroïne ! Ne vous attendez pas à une jeune pimbêche ! Malgré ses 19 ans et son âme de pure romantique, elle fait montre d'une sacrée force de caractère et fait feu de tout son esprit, de tout son humour et de tout son amour pour peu à peu effectuer un véritable peeling sur les sentiments et la personnalité de son époux. Loin de se satisfaire du statut de jument poulinère auquel son mari voudrait la cantonner, elle répète à l'envie, comme un mantra, qu'elle souhaite devenir son amie. A cette fin, elle se retrouve dans des situations impossibles jusqu'à l'humiliation suprême qui fait tout basculer.
Quel détestable héros, ce duc ! Déterminé à prendre bêtement tous les risques, mêmes les plus insensés et les plus infantiles, odieux jusqu'à la nausée.
D'ailleurs, ce n'est pas un hasard, à mon avis, si Tessa est régulièrement sujette aux hauts-le-cœur ! Glacial et coupant, aveugle, arrogant et superficiel, bref, sa beauté mâle peine à rattraper ses lourdes et fréquentes erreurs de parcours et de jugement. Il m'a plu, pourtant. Juste grâce à l'incroyable talent de l'auteur dont la finesse d'analyse parvient à faire de ce débauché au cœur aussi noir que sa parure, un homme solitaire, mal dans sa peau et finalement, meurtri.
Alors oui, tout n'est pas rose entre eux, bien au contraire. On pousse de hauts cris d'indignation intérieure devant sa façon de traiter, par une volonté affirmée de mise à distance, sa jeune et adorable épouse, mais que cela fait du bien de casser un peu les codes alchimiques de la romance.
Le prologue de conte de fées nous promet monts et merveilles, quand tout le roman à la suite démontre que l'amour n'est pas un long fleuve tranquille, qu'il faut savoir combattre pour le mériter, en veillant aussi à ne pas se trahir soi-même. Mais le roman, dans un magnifique mouvement circulaire, se clôt sur la formule magique obligatoire dans le conte de fées. Et j'y ai cru.
Pas vraiment de grandes scènes épiques d'affrontements... Karen Ranney propose plutôt des situations délicates, difficiles, voire inconfortables, et un peu cruelles, pour faire de ce faux conte une histoire un peu noire sur les bords. Je n'ai pas pu m'empêcher d'évoquer Meredith Duran, à cause de cet aspect sulfureux des relations entre les héros, même si les dialogues sont moins mordants. Quelques passages flirtent avec le drame, et un parfum de nostalgie affleure régulièrement, notamment dans l'évocation touchante de l'amour du père de Jered pour sa femme. Dans cet incessant duel de volontés où l'indépendance de l'un fait front à l'ingérence affective et butée de l'autre, le couple merveilleux des parents de Tessa apporte un air rafraîchissant et optimiste, et de l'eau au moulin des tenants de la vision romantique de l'amour : complices, follement amoureux l'un de l'autre, ils tiennent une vraie place tout au long de l'histoire.
Le volet historique et culturel, très soigné et étayé de nombreuses références littéraires, a aussi participé à mon plaisir, tant est bien rendu, sans appesantissement superflu, le contexte de cette année 1791. Quant aux scènes d'amour, elles restent très sages, peut-être pour mieux nous faire sentir que là n'est pas l'essentiel dans l'épanouissement de l'amour, comme le comprend très vite Tessa.
Sans attendre grand chose de ce titre dont le résumé ne me parlait pas plus que ça, disons qu'il me semblait un peu bateau, j'en ressors convaincue de parfaire ma connaissance de cette auteur à la plume discrètement talentueuse, une auteur qui comptera à l'avenir dans ma bibliothèque.
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